mardi 29 janvier 2013

Critiques diachroniques 01

Étant donné ma session qui recommence et ma passion pour lire des livres qui sont parus depuis quelques années ou qui ne sont pas nécessairement undergrounds. J’écrirai des petites listes critiques, à quelques moments, dans le but de faire vivre le blogue, continuer de donner des goûts de lecture et souffler un peu en deçà des 400 mots et plus.


Malgrer tout on rit à Saint Henri 
Ce recueil de nouvelles est un petit bijou de rassemblement. Nous sommes dans un nouvel univers à chacune des histoires, encore un peu dans la précédente et curieux de la prochaine on découvre Montréal par les yeux de l'auteur. Auteur qui tente plusieurs techniques narratives, par et exemple des coupures narratives et des références intertextuelles qui a tout les moments sont gagnante. En bref, une très bonne lecture.
5/5
Testament /Vickie Gendreau 
C'est le premier roman de l'auteur, donc il y a quelques faiblesses, mais ça reste dans l'ensemble une très belle publication chez le Quartanier. La façon de diviser les discours narratifs est intéressante et laisse à penser que c'est plus un recueil de monologues qu'un roman. Vers la fin je m'imaginais même une réalisation théâtrale avec une mise en scène un peu trash. Les meilleurs passages, selon moi, sont ceux où elle donne une voix à son frère et à sa mère. Ce qui m'agace le plus c'est le discours paratextuel autour de l'auteur. J'aimerais voir une bonne critique du roman plutôt qu'une entrevue comme celle de Tout le monde en parle.
4/5

La fille du vidéoclub /François Desalliers 
Roman de la maison d'édition Druide, La fille du vidéoclub m'intriguait.Ma mère était hispter en avait déjà parlé, ni trop en bien, ni trop en mal, et j'avais décidé de tenter ma chance. C'est bon. On suit le personnage dans son évolution psychologique auprès d'une femme qu'il ne croit pas mériter. On embarque dans l'histoire, on s'attache au personnage, mais ce n'est pas ça que je recherche dans un livre. Je préfère les trucs d'écritures un peu moins conventionnelles et qui vont me faire rire où réagir. Quelques bonnes pistes sont apportées,comme l'apport des films de cul pour le personnage, mais pas tenu très longtemps. À noter: L'idée d'incorporer un rapport intertextuel avec Baudelaire est une bonne idée et l'écrivain maitrise bien cette poésie. Bien, mais pas marquant pour moi.
3/5

La lune n'aura pas de chandelier/ Daniel Leblanc Poirier
Ce recueil de poésie m'avait déjà convaincu avant même que je l'achète. Je suis un véritable fan de la poésie de Daniel Leblanc Poirier depuis que je l'ai rencontré il y a un peu plus de 2 ans. Son mélange entre l'utilisation d'un lexique recherché et commun donne une poésie alambiquée et incroyable. Cette première publication chez l'Hexagone rappelle la ligne éditoriale mise en place part Gaston Miron. Hey, parler de fellation à l'Hexagone, il faut le faire.« Si j'étais Napoléon Bonaparte/ je ferais sonner trois coups de canon/et je boirais un café avec deux sucres/ parce que l'odeur de la poudre donne soif»
5/5

Mayonnaise 
Étant un passionné de la beat génération j’étais curieux de ce roman qui à comme sujet Robert Brautigan, auteur que je ne connais pas du tout. Malheureusement, Éric Plamondon passe plus de temps à décrire des faits historiques d'autres époques que la vie même de l'auteur. Parfois, les narrateurs homodiégétiques s'entremêlent et on ne sait plus qui est qui. L'écriture se retrouve surtout dans le paratexte et doit s'accompagner de quelques recherches à côté. J'ai plus l'impression que c'est plus un ensemble de fait divers auquel s'ajoute un léger contexte autour de Robert Bratigan.
3/5

mardi 22 janvier 2013

Le jour où j’ai perdu la tête/ Soulières




Jocelyn Boisvert est un auteur jeunesse d’origine sherbrookoise à l’imaginaire bien développé et aux titres accrocheurs. Après Le livre sans histoire, Ne lisez pas ce livre et Mort et déterré, voici Le jour où j’ai perdu la tête.

Julien a rendez-vous avec Juliette, qui lui plaît beaucoup. Entretemps, sa vitre d’auto lui sectionne la tête. Mais ce n’est pas tout, cette tête reste en vie et le corps aussi, sauf qu’étant déconnectés, ils font chacun à leur tête. Voilà le genre de jeu de mots dont est truffé ce roman aux péripéties amusantes.

Les errances de la tête et du corps de Julien sont surprenantes. Les gens, certains bienveillants, d’autres moins, ont des réactions variées devant la vision tronquée qui s’offre à eux. Sur l’illustration de la couverture, des filles rient du corps et le prennent en photo, alors qu’à l’intérieur du rabat, la tête baigne dans une flaque d’eau. Cela donne efficacement le ton : une comédie surnaturelle. Il y a aussi un élément romantique puisque le héros mal en point s’inquiète de rater son rendez-vous galant.

Parmi les péripéties, un policier posera la tête de Julien sur le trottoir après des remontrances absurdes parce qu’elle était hors la loi en demeurant dans la rue. J’étais dans la rue et, maintenant, je fais le trottoir!, ironise Julien. Chez les zélés, une mémé sénile prend la tête pour un animal domestique. Un clochard, quant à lui, souhaite revendre la tête après l’avoir dénichée dans une poubelle. Le corps sera entre autres recueilli par Juliette, qui le traitera comme un handicapé, n’ayant pas idée qu’il s’agit de son ami, méconnaissable sans tête.

Les personnages sont rigolos et attachants, l’ensemble est imprévisible. La structure faite d’un chapitre sur la tête, puis du suivant sur le corps, crée un rythme soutenu. La scène où le corps croise la tête, qui tente de l’appeler, est fascinante. Son pied me rentre dans la bouche, ce qui me fait piquer du nez (si je puis dire). Une chose est sûre, il faudra que je pense à me laver les pieds. Et les dents! Un divertissement de qualité pour toute la famille.
Note de la critique 4/5

jeudi 17 janvier 2013

Pinkerton/ la mauvaise tête




Résumé de la maison d'édition: 
Deux amis nouvellement célibataires, cuvant leurs échecs communs, découvrent que leurs déboires ont quelque chose à voir avec leur affection nostalgique pour la musique des années 1990. Un album de cette époque retiendra particulièrement leur attention. Viendront-ils enfin à bout de son influence néfaste? 


Pinkerton était déjà un grand succès de la microédition. 
C’est surtout une comédie douce-amère sur l’amour, la musique et les soirées bien arrosées qui finissent autour d’une poutine. Nouvelle postface de Nicolas Tittley. 

176 pages, noir et blanc. Sortie en librairie novembre 2012.  



Critique:


Il peut paraître osé de dire que Pinkerton est déjà un succès de la microédition, mais diantre, ils ont raison. À sa deuxième réédition et réimpression après quelques mois, ce roman graphique a fait des vagues. 

L'histoire, c'est deux gars qui tentent de redéfinir leur conception de l'amour et des relations, après une rupture, en sous-tirant les concepts identitaires des chansons de l’album Pinkerton de Weezer. Ils le font un peu avec sérieux, un peu par humour, beaucoup par déculpabilisation et certainement avec amour des concepts vagues qu'apporte la musique des années 90. Un livre qui porte un discours essentiellement masculin sur les peines d'amour et les relations amoureuses. 









Est-ce qu'il faut être un connaisseur de Weezer pour apprécier l'album? Absolument pas. Je n'ai pas la prétention de dire que je le suis et je n'ai jamais vu mon plaisir de lecture bafoué. En être un m'apparaîtrait même gâcher un peu le plaisir tellement les analyses des personnages sur les intentions du chanteur sont ludiques. Un trop grand fan verrait même un peu de mal le plaisir qu'ont les deux auteurs à simplifier certains concepts des chansons pour les adapter à leur situation. Non, l'avertissement que je mettrais: c'est que le texte des chapitres est dur à comprendre pour un lecteur qui n'est pas initié à la rhétorique, le cynisme et les critiques sociopolitiques. 


Le discours critique porté sur la politique, l'éducation ou la vie en société prend parfois  la place du sujet principal, par le biais de petits moment ludiques qui sont camouflés par le biais des discours sur les relations amoureuses.  Par exemple, où il est noté  que nous pouvons relire un chapitre en changeant le mot canard pour Canada. 

Le dessin minimaliste peut rebuter au départ, mais s'apparaît rapidement être d'une justesse du détail graphique incroyable. Un espace emphatique est toujours laissé à l'objet, le concept de pensée ou le personnage qui est mis en valeur, déclenchant ainsi toujours l'effet émotionnel escompté.

Comment ne pas rire à l'image du canard pointé comme fautif du drame relationnel d'un individu?

Rire, je l'ai fait tout au long de l’oeuvre de François Samson-Dunlop et d'Alexandre Fontaine Rousseau en voyant ces deux personnages qui finalement barrent des chansons pour un oui et un non sans rien apprendre véritablement.

note du critique 5/5

L'album complet de Weezer : 

dimanche 13 janvier 2013

Jésus, Cassandre et Les Demoiselles/ Druide

                                

Résumé de l'éditeur: Jésus, Cassandre et les Demoiselles, quarante nouvelles, une galerie de personnages, une suite d'incidents grossis à la loupe et un fil conducteur les éclaboussures provoquées par les blessures de l'enfance. Quarante nouvelles, dix cercles fermés où s'entrechoquent plusieurs visions d'un même début de vie chaotique.

L'auteur :
Emmanuelle Cornu, montréalaise de naissance et d'adoption, enseigne à la maternelle depuis 13 ans. À l'aube et au crépuscule, entourée de sa femme et de ses chats, la prof cède la place à l'écrivain, histoire de se trouver... et de se retrouver. Jésus, Cassandre et les Demoisellesn'est que son premier livre... heureusement pour nous !

Critique: 

Indéniablement, le livre est beau. La peinture de Jacque Payette à l'encaustique donne une profondeur à la première de couverture qui est incroyable. Profondeur qui malheureusement ne se retrouve pas complètement dans ce recueil de nouvelles.  Ce n'est pas que je n'ai pas aimé le livre, mais plus qu'il m'a déçu.

Le contrat de lecture avec la première de couverture et le titre me faisait espérer quelque chose de dérangeant, un univers qui porte un malaise au lecteur, une certaine tristesse, mais non, rien de tout ça. 
Les trois noms du titre ne se retrouvent que dans trois nouvelles et tour à tour dans les 10 parties de l'oeuvre. Et c'est tout ce qui se qui unit les quarante nouvelles entre-elles. Le recueil est séparé en  dix  sous parties qui possèdent chacune quatre nouvelles.  

Je mets en doute l'utilité de ces parties qui ne semblent être faites que pour justifier le titre qui lui justifie le lien entre toutes les nouvelles par son énumération.
La sous partie étant nommé avec le personnage de la première nouvelle et une partie du titre. 

Par exemple, la deuxième partie qui se nomme: Eluda-Louisiana et les Demoiselles commence avec une nouvelle mettant en scène un personnage du nom de Eluda-Louisiana avec la quelle se rajoute la partie du titre  Les Demoiselles

Je me suis donc vraiment demandé l'utilité de ces séparations que, pour la plupart, je sautais rapidement, n'apportant rien au discours de l'oeuvre. Une autre disposition aurait permit d'expurger certaines nouvelles qui me semblaient plus faibles et de resserrer le recueil dans un univers bien net. 
Plus petit, ce premier recueil de nouvel de l'auteur aurait laissé moins voir certains tics d'écriture qui m'ont été fatigants à la longue.
Par exemple le fait de toujours répéter le sujet de la nouvelle pour faire avancer la diégèse.

« Manon aime Cassandre. Cassandre est une bonne cliente. Cassandre écoute, Cassandre ne parle pas, Cassandre ne bouge pas, Cassandre ne rouspète pas, Cassandre est polie, Cassandre sourit, Cassandre garde les mains croisées, Cassandre sait être une grande fille. » (p.19) 

« Marianne, Marie-Ève et Marielle partent guerre. Elles ont brulé le drapeau blanc. La fureur les ronge, la violence les submerge. Tout est à recommencer. [...] Marianne, Marie-Ève et Marielle fourbissent leurs armes, aiguisent leurs couteaux. Branle-bas de combat. Les intimités refont surface. La cible ennemie est facile à atteindre. [...] Marianne, Marie-Ève et Marielle le savent, il y aura de nouvelles règles. Du sang neuf. Un vent de changement. Des promotions. » (p.85)

Cette répétition pourrait s'excuser par l'emploi d'un narrateur hétérodiégétique pour le plus souvent des histoires, mais il arrive parfois que cette répétition se retrouve dans les nouvelles, qui sont rares, à narration homodiégétique: 

« J'ai un bureau qui brille. Mes mains y sont posées. Elles sont belles. J'ai le souci de l'esthétisme. Mon bureau est grand. J'aime le caresser. Mes bagues ne le griffent pas. Mon bureau est lisse. Mes ongles sont bien vernis. Mon bureau aussi. » (p.157)

Agissant presque comme un mantra, cette répétition me faisait oublier tout le reste de l'histoire et je ne voyais que le sujet qui souvent n'apportait pas grand-chose dans son emphase. Cependant, quand les répétitions étaient absentes, ou très espacées, je découvrais une écriture intriquante dans des univers naïfs et amusants. Comme dans une nouvelle où une organisation posent, durant la nuit, des mangeoires sur les balcons des 42 deux bâtiments d'une rue. 

 La meilleure nouvelle du recueil reste pour moi celle toute simple du nom de Madame qui est dépourvue de cette figure de style emphatique: 

« Madame l'entrevoir dans la noirceur. S'avance doucement. Dépose ses paquets. Entend sa respiration. Se penche. Touche sa peau. Retire sa main. L'essuie sur son pantalon. Prend son cellulaire. Compose le 911. Hésite. N'appuie pas sur la touche «enter». Dirige la lumière de son téléphone vers la jeune femme.  Promène le faisceau sur son corps. » (p.25) 

Cependant, je reconnais aussi qu’à certains moments, les répétitions sont bien incluses, et ajoutent aux nouvelles (Reconnaître madame D. à la courbe de ses mollets et En cherchant ton bouton gris, tu as trouvé un gant de vaisselle), mais dans l'ensemble du recueil cette stylistique de Emmanuelle Cornu déconcentre.  

Ainsi, un resserrement autour de l'oeuvre aurait été bénéfique et aurait mieux accompagné le discours paratextuelle; qui est vraiment une force de cette nouvelle voie éditoriale de Druide.   

Note du critique :3/5 

mercredi 9 janvier 2013

Indochine La BD/ Fetjaine


Indochine La BD-Sébastien Bataille

Cette bande dessinée retrace le parcours du groupe rockfrançais Indochine. Il ne s’agit pas d’une histoire en continu, mais bien de périodes choisies sur les trente ans du groupe, d’abord mises en contextes, puis illustrées.

Le sujet principal est l’évolution du groupe, quoiqu’onsurvole la vie personnelle du chanteur et parolier Nicola Sirkis aussi. On découvre les débuts d’Indochine, ses moments plus difficiles, puis sa remontée avec le titre de premier groupe national à remplir le Stade de France, soit 80 000 spectateurs. On apprend, entre autres, l’origine du tube L’aventurier et la collaboration foireuseavec Serge Gainsbourg, réalisateur de leur clip Tes yeux noirs. Les influences musicales sont dévoilées et on savoure des anecdotes de toutes sortes. Par exemple, j’ignorais que Nicola Sirkis avait refusé d’être décoré au grade de chevalier dans l’ordre des Arts et lettres, honneur que Grand corps malade avait accepté.

Les fans de la première heure apprécieront les jeux de mots avec les paroles ou titres de chansons dont le texte est parsemé. Les autres comprendront sans problème le propos général. Le Québécois pourrait être moins familier avec certaines références françaises, comme les humoristes Les inconnus. Pour ma part, je connaissais le sketch abordé (Isabelle a les yeux bleus), mais j’ai été surprise d’apprendre qu’ils’agissait d’une parodie d’Indochine ayant généré bien des moqueries.

Avant chaque bande dessinée, un contexte social et historique est donné. L’auteur y va parfois de citations amusantes comme celle-ci de Nicola Sirkis : « Les États-Unis, c’est Disneyland avec la peine de mort. » Des parallèles intéressants sont faits entre différents courants musicaux ou événements: Après les dates de la tournée française, unesérie de concerts est organisée au Pérou- où les Indochinois vendent autant que Madonna- en avril-mai 1988.

Ensuite viennent les BD, illustrées par vingt dessinateurs. Certainessont réalistes; Morpheen représentant M. Sirkis qui ruse pour quitter le service militaire obligatoire. D’autres fantaisistes; Pierre Mauger donnant vie à des créatures de vidéoclips (la gothique de Savoure le rouge) et de pochettes d’album. D’autres encore sont caricaturales; Coquin dessinant le chanteur massé par des admiratrices à l’hôtel. Indochine LaBD, c’est un ouvrage bien documenté, un hommage à la fois instructif et ludique qui ravira les admirateurs et donnera envie aux non-initiés de tendre l’oreille.

-Evelyne Papillon 
Note de la critique :4/5


samedi 5 janvier 2013

Et au pire, on se mariera / La mèche







Résumé de l'éditeur: 


Avant de rencontrer Baz, Aïcha était tout le temps enragée. Elle traînait son enfance brisée en essayant d’éviter sa mère, les vieux puants et les seringues usées du parc. Maintenant qu’elle est amoureuse, elle voit les balançoires dans les parcs de Centre-Sud. Voilà pourquoi, pour Baz, Aïcha ferait tout, même le pire. Tout, c’est ce qu’elle doit raconter à cette femme qui la regarde comme une page de faits divers. Mais suivre le récit d’Aïcha, c’est entrer dans un labyrinthe           pour s’y perdre autant qu’elle. Une confrontation déchirante et drôle où l’émotion court. La langue à fleur de peau de Et au pire, on se mariera se trouve à la croisée du romanesque, du théâtre de rue et de la déposition.


Sophie Bienvenu


« Quelqu’un lira dans Et au pire, on se mariera l’histoire d’une mésadaptée socio-affective, un autre y verra un message social… peut-être un dernier m’accusera de faire l’apologie de la pédophilie. L’un de ceux-là aura raison. Mais comme le manichéisme m’énerve, je ne vous dirai pas lequel. » – Sophie Bienvenu





Critique : 

L'ambiguïté d'un discours, Sophie Bienvenu maîtrise cela à la perfection. L'histoire du roman Au pire, on se mariera n'est concentrée que sur le discours du personnage homodiégétique (Je), Aïcha, envers une travailleuse sociale. Tout le problème d'un témoignage d'une petite fille aux prises dans une situation grave c'est la subjectivité; tous les enfants mentiront s’ils se font prendre à faire une bêtise. Ce qui ajoute à ce facteur, c'est qu'on ne connaît pas la petite fille, on doit donc se contenter de ce qui se retrouve dans le roman. 
Sophie Bienvenu a très bien joué sur cette réalité de narrateur-narrataire, nous laissant toujours dans le doute avec nos questions.

 On découvre l'intrigue au même rythme que Aïcha veut bien nous dévoiler les éléments qui l'entourent. Elle peut avoir 18, 15,16 et 9 ans, on ne le sait jamais vraiment, ni si sa mère est une bonne femme ou une femme complètement irresponsable. Il y a, à la fois la réalité et le mensonge d'énoncés : « Si je savais où est Baz, penses-tu vraiment que je serais-là? Ben... ouin... p'tête que je serais là, mais tout cas. Tu comprends ce que je veux dire. Ou pas. Des fois, j'ai l'impression que tu parles dans une langue. » 


Ce qui m'a agacé un peu, c'est que le flou autour des personnages est parfois si grand qu'on a de la difficulté à tracer une sémiologie des personnages efficace. On ne sait, ni l'âge exact de Baz, ni sa situation civile, ce qui me semble être un frein à l'émotion que veut faire ressentir l'auteur. J'ai lu quelques critiques sur le roman disant qu'il fait du bien de lire « le point de vue de la victime », alors que j'ai, moi, une réticence à dire que Aïcha est une victime dans l'histoire entre elle et Baz. L'ambiguïté du discours est trop grande pour que je veuille prendre position; comme nous l'a fait remarquer l'auteur dans le commentaire de son oeuvre. 

Le deuxième aspect qui m'a agacé un peu est que cette narration me semble parfois un peu irréelle. Je n'ai aucun doute sur le fait que les enfants d'aujourd'hui ont plus de « gueule » que ceux d'autres générations, mais parfois il me semble que ce style est un peu poussé par l'auteur. Somme toute, ce style d’écriture donne une narration « coup de poing » au roman et une certaine « urgence » aux dires du personnage. « Pourquoi ce n’est jamais la fin du monde, dans Centre-Sud, hein? Me semble qu'on mériterait ça, une fin du monde. Enfin moi, je mériterais ça. Pas que je veux mourir, hein! Mais ça fait une bonne excuse pour fourrer. »

Certains disent que le ton semble emprunté pour ce troisième roman. Personnellement, je crois que Sophie Bienvenu a pu s'attaquer à un thème et une façon de s’exprimer que l'écriture de son précédent roman pour adolescents ne lui permettait pas. 

Note du rédacteur 4/5 

mercredi 2 janvier 2013

Retour sur 2012


Comme c'est un nouveau blogue, on va partir sur les chapeaux de roues avec une revue annuelle pour donner le ton de mes goûts, et ce à quoi j'aspire quand j'achète un livre.   
Quelques livres n'ont pas été publiés en 2012, mais méritent tout de même une mention, car ils ont été marquants pour moi dans les 136 livres que j'ai lus cette année. 


La série Umbrella académie, Gerard Way et Gabriel Ba, Éditions Dark Horse Books 
Une série de deux comics du superhéros inhabituelle. On suit l'histoire de 5 orphelins avec des « pouvoirs surnaturels » qui évolue dans un monde où la fin du monde est imminente. Le récit pourvu de plusieurs analepses et de prolepse est parfois très difficile à suivre; notion accentuée par les pouvoirs de deux des personnages  ( un voyageant dans le temps et l'autre incitant des gestes avec sa voix) . La narration est en fait à la fois le point fort et le point faible de la série. Une focalisation externe nous fait découvrir les personnages l'un après l'autre et en même temps leur pouvoir qui ont une implication sur la construction temporelle du récit. Parfois, ils font allusion à l'un des enfants alors qu'on ne le connaît pas encore. L'originalité des dessins, de la sémiologie des personnages et des références culturelles est à souligner. 

Arvida, Samuel Archibald Éditions Le Quartanier 
Ce livre, j'ai dû le lire dans le cadre d'un cours pour le concours du prix littéraire des collégiens. Rapidement, j'ai repensé à mon petit village natal et tout l'amour que nous pouvons sous tirer de nos origines rurales. L'indication ( Histoires) sur la page couverture est très importante. Ni un recueil de nouvelles ni un roman subdivisé Arvida est un récit polyphonique qui reconstruit la réalité du village Arivida et son histoire. Un peu à la façon des contes, les narrateurs s'échangent la parole pour nous conter à la fois des mythes et à la fois des réalités. Très fervent de contes, de mystère et de hockey, je n'ai eu que tu plaisir à lire ce livre. Pour un premier roman, Samuel Archibald surprend et émerveille déjà, son prix des libraires du Québec en témoigne. 
La série Black Sad, Juan Diaz Canales
C'est mon tatoueur qui m'a parlé de cette série de quatre romans graphiques cartonnés. Il me parlait du coup de crayon très bien fait pour l'époque et le scénario qui était l'un des meilleurs qui avait lu depuis longtemps. Je dois avouer que je n'ai pas été déçu. La diégèse qui peut paraître banale, une panthère noire qui est un détective inspiré des romans policiers détective noir, de nombreuses références culturelles et de critiques sociologiques sur la société américaine sont visibles. Des discours de Allen Ginsberg, des Black Panthers et de certains politiciens y sont repris. Par contre, le niveau de qualité entre les albums varie, ce qui est décevant pour une si courte série. 



Les cicatrisés de Saint-Sauvignac, Sarah Berthiaume, Mathieu Handfield, Jean-Philippe Baril Guérard, Simon Boulerice,  Éditions Ta Mère 
Quand le responsable du kiosque de Dynamo machine m'a décrit le roman, je devais l'acheter. Ce récit écrit par quatre auteurs est complètement loufoque. Séparée en quatre saisons, la diégèse est construite autour de quatre protagonistes qui, on le remarque rapidement, ont tous un « problème psychotique ». Écrit avec une réalité très moderne, ce livre me donne, encore à ce jour, une impression de jamais vue. Pousser à l'extrême le cynisme et la psychose  sociale nous fait croire à un croisement entre 1984 et un Archie écrit sur l'acide.  


Les armes à penser de Shawn Cotton. Éditions L'Oie de Cravan 
Il est très dur de ne pas comparer les oeuvres et le changement effectué entre celles-ci. Avec sa prose plus mature, plus directe, Shawn Cotton semble être à sa place dans cette maison d'édition. Son ouvrage est superbe avec son oeuvre flexographique sur la couverture qui est en fait un poème du nom: Les armes à penser. Ce qui me semble être  le véritable nom du recueil se retrouve sur la page de garde et est: De la méthode de récupération des canettes vides trainant au fond du coeur. (?) Ce titre retranscrit exactement la réalité du recueil: de l'amour, de l'alcool et la vie en arrière-fond. « Les obus vides des bouteilles/ pleines de bouches/ trouant les poches du printemps »



Duncan the wonder dog: show one, Adam Hine. Éditions indépendantes.
Rien à dire. Allez le lire gratuitement sur le web. Le traitement d'imagerie et d'impression est ...

Le sablier des solitudes, Jean Simon Desrochers, Éditions Les Herbes rouges.
J'ai aussi découvert cet auteur dans le cadre du prix littéraire des collégiens. Le point fort de Desrochers est la construction sémiologique de ses personnages. Ils ont tous un passé, un présent et des aspirations, mais encore plus une narration différente. C'est la grande faiblesse dans les romans polyphoniques à mon avis lorsque l'auteur n'est pas capable de rendre distinctement les voix de ses personnages; c'est le cas de la gagnante  du prix littéraire des collégiens.  Dans Le sablier des solitudes, c'est très bien fait, ce qui lui permet de faire interagir merveilleusement ses personnages entre eux au point qu'ils ont une influence l'un sur l'autre.  

Danser à Capella, Simon Boulerice. Éditions Ta Mère 
Déjanté, lubrique, déstabilisant, ce recueil de monologues m'a marqué. Simon Boulerice est l'un des auteurs que j'ai eu le plus de plaisir à découvrir cette année, et que j'ai poursuivis dans ses moindres publications. Avec son approche toujours renouvelée des mêmes thèmes, thèmes comme la danse, le chant, la dépendance affective et le désir de plaire, Simon Boulerice fait grincer des dents son lecteur et lui fait réaliser toute la dissonance des relations humaines dans notre société; c'est maintenant mon ami Facebook. Il faut noter ses multiples références textuelles qui apportent toujours un plus dans son roman. Un extrait vidéo ici

Université inc, Maxime Ouellet, Éditions Lux 
Cet essai, je l'ai lu juste avant que la grève illimitée commence. Souvent, on oublie le avant-printemps érable, quand les négociations étaient déjà en cours sur plusieurs dossiers, en plus du sujet des frais de scolarité. Donc, c'est dans un esprit de recherche d'un partage idéologique que je m'instruisais. Très bien monté, cet essai m'a fait réaliser des pièges argumentations dans lesquelles je tombais parfois moi-même. Par exemple ça ne veut pas dire que tu as des études en médecine que tu as un salaire faramineux, tu peux les avoir faites pour être médecin sans frontière et donc avoir plus de dettes que de revenu annuel. Par contre, certaines idéologies se répétant souvent ça donnait l'impression de tourner en rond. J'aurais aimé une datation plus précise sur l'évolution des gels et des différentes mesures détournées du gouvernement pour aller sous tirer de l'argent chez les étudiants.  


À surveiller: 
La maison d'éditions La Mèche
Le prochain de Jean-Simon Desrochers 
Tout ce qui sort de Ta mère
Le prochain de Daniel Leblanc Poirier à L'écrou